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Pas-Perdus

Audio-visual object made up of Miitomo cats walking and running in the streets of Paris, soundscape, pixel art and electrical cables.

May 2019

Mise au Pas installation using found objects in the streets of Paris (macparis 2011)

We walk to the rhythm of our thoughts,

step by step,

strolling or striding.

Walking pace gives pedestrians an air of composure.

Their steps transcend the purpose of their movements.

They are the metronomes of city life.

Démarche Constructive (Keep in Step)

Printed triptych, Paris, May 2019

Prints made up of Miitomo cats and Parisian buildings

– three 20X20cm prints on Dibond aluminium.

See also Cats & Emojis

Texte français

À travers ses comptes rendus de voyages, matérialisés par des installations et des images projetées en boucle, Christophe Bruchansky, nous expose sa philosophie de l’existence et propose au spectateur de la partager. Pour ce faire, il nous présente des expériences introspectives dans lesquelles la succession obsessionnellement répétitive d’images sert de support à une quête existentielle. Il alterne des phases de mouvements quasiment imperceptibles avec d’autres plus frénétiques. L’esprit du spectateur est ainsi invité à divaguer et à se perdre dans une réalité hyper-médiatisée, simultanément familière et fausse, fébrile et insipide.

Son dispositif Mise au Pas est une exploration du thème de l’ordre et du désordre par le biais de vidéos, d’impressions et de pixels.

La marche ne sert pas qu’à se déplacer, elle va bien au-delà. Elle est un acte de la pensée, une façon de vivre. Nous marchons au rythme de nos pensées, pas à pas, au pas ou à grand pas. Le pas décidé donne une contenance aux piétons que l’artiste Christophe Bruchansky représente dans ses œuvres. Leurs pas transcendent l’objet de leurs déplacements, ils sont les métronomes des grandes villes.

La vie citadine pourrait se résumer à quelques bruits de fond, ceux des transports motorisés et marteaux-piqueurs, des publicités et rappels de sécurité en tous genres. Or ce brouhaha masque un bruit peut-être encore plus caractéristique de notre époque, celui de nos pas pressés, à la sortie des bouches de métro, sur le trottoir des grandes avenues et autres lieux de transit. Le pas décidé donne une contenance aux piétons. Leurs pas transcendent l’objet de leurs déplacements, ils sont les métronomes des grandes villes.

Le pas indécis a quelque chose d’anachronique. Comment pourrait-on s’attarder, de nos jours, dans un dédale de ruelles, prendre le temps d’observer les passants, alors qu’on a à tout moment sur soi un plan qu’il suffit de suivre, une quantité illimitée d’articles, de vidéos et de musiques pour nous divertir ? Comment la médiocrité du quotidien pourrait-elle rivaliser avec les distractions d’un monde hypermédiatisé ?

Le piéton n’a plus aucune excuse pour se perdre et encore moins pour perdre son temps. Les flâneries solitaires sont dorénavant suspectes. On préfèrera être accompagné, utiliser le chien ou l’enfant à balader comme prétexte pour justifier nos errances.

Je n’ai pour ma part pas cette pudeur. Je flâne et observe les passants pressés. Je m’imagine leur destination, leur vie réglée comme du papier à musique, sans désaccord ni aucun temps mort. Leur marche forcée me rappelle des souvenirs et me rend nostalgique. Car il est bien plus aisé de marcher dans les pas d’autrui que de chercher sa propre destination.

J’imagine qu’il fut une époque où la promenade était un objet de fierté, la marque d’un esprit romantique, d’un être en quête de sens. La flânerie est à l’origine de tous nos rêves et de toutes les révolutions. Elle nous incite à exercer notre liberté de penser. Elle est, de ce point de vue, crainte par les donneurs d’ordre en tous genres, bien plus encore que les marches de protestation, car les idées qui y germent sont secrètes et imprévisibles. La flânerie est donc une activité à dompter, à canaliser au travers de versions édulcorées telles que le weekend de tourisme ou l’après-midi de shopping, simulacres de l’oisiveté et palliatifs à la liberté. 

La flânerie, je le sais, n’est pas sans pièges. Elle n’apporte le plus souvent rien, aucun souvenir, aucune idée mémorable. Elle peut être entêtante et provoquer chez le flâneur une forme d’inaction. La marche aide en effet à supporter n’importe quelle condition. La souffrance, l’injustice et l’humiliation sont toutes plus tolérables lorsque l’on est en mouvement, même si ce mouvement ne mène nulle part.

Et pourtant, c’est de la marche sans aucune destination, des rêveries au grand jour que émergent les plus grandes ambitions. La marche ne sert pas qu’à se déplacer, elle va bien au-delà. Elle est un acte de la pensée, une façon de vivre. Nous marchons au rythme de nos pensées, pas à pas, au pas ou à grand pas. Nous pensons comme nous marchons, d’où la réflexion à mener sur l’état actuel de ce mode de déplacement. 

Chaos group exhibition, November 2022, Paris